Jacques jr Locas meurt à 52 ans
Le premier coup de barre
par Mikael Lalancette
Jacques jr Locas est décédé à l'âge de 52 ans cette semaine. Le fils de Jacques Locas, un ancien du Royal de Montréal et des Saguenéens de Chicoutimi et frère de Sylvain, un autre Saguenéens, a un rôle riche d'histoire dans l'organisation du hockey junior au Québec. Les plus jeunes ne connaissent pas ou très peu de choses sur la Saga Locas qui a monopolisé la scène journalistique sportive pendant une bonne partie de la saison de 1970-71 au Québec et même en Ontario, et ignorent ce que les effets de son transfert chez les Remparts ont pu engendrer comme conséquences sur la LHJMQ d'aujourd'hui. On est loin de la saga Angelo Esposito, qui envoyait à Québec, le meilleur joueur de la cuvée 2005 dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Pour l'époque, la saga Locas représentait le talon d'Achille de la Ligue junior A du Québec, mais aussi des petits marchés du hockey junior québécois. Plus de trente cinq ans plus tard, la LHJMQ est plus forte que jamais elle ne l'a été depuis sa création. Le petit joueur de seize ans de l'époque ne réalisait pas l'ampleur que son désir d'être transigé de St-Jérome aurait sur la petite ligue junior A du Québec. Si bien que son décès fait réaliser à quel point la première saga de l'histoire de la Ligue junior A du Québec deviendrait aussi la plus cruciale de son existance.
Début 1971, les Remparts sont la puissance de la ligue du Québec. Avec en tête Guy Lafleur qui affiche déjà une confortable avance de 41 points au sommet des compteurs du circuit, les Remparts aspirent déjà aux grands honneurs du printemps. Paul Dumont et Maurice Fillion, au deuxième étage, triment dur pour permettre à la plus populaire équipe du circuit de se donner un air d'aller afin de non seulement participer mais aussi de gagner la coupe Memorial. Or, une bombe éclate. Jacques jr Locas, la jeune vedette des Alouettes de St-Jérome n'est plus heureux dans sa ville natale et exige une transaction. Le Canadien junior, qui oeuvre toujours dans la Ligue junior de l'Ontario est premier sur les rangs pour en faire l'acquisition. Tous azimut, au sein de la Ligue junior A du Québec, on ne chante pas sur le même ton. Robert Lebel et John Horman sont décidés à prendre tous les moyens nécessaires pour empêcher le transfert qui assurerait le championnat canadien à un club qui se refuse totalement à joindre les rangs de la petite ligue junior du Québec. Celle qu'on ne juge pas assez crédible, solide et viable pour un club d'envergure comme le petit Canadien!
C'est à coups de menaces que la Ligue junior A encercle les Alouettes de St-Jérome. La ligue junior A du Québec pourfend les plans du directeur-gérant de l'équipe, Jacques Locas senior, de transiger son fils à la formation de Roger Bédard du Canadien junior, lui qui bénéficie déjà du marché québécois entier et qui mène la vie dure à la petite ligue junior du Québec. En guise de représailles à une future transaction, la Ligue junior du Québec menace d'exclure les Alouettes de St-Jérome du circuit du Québec et envisage de leur attribuer une amende de 5000$, ce qui va sans dire, signifierait la fin des activités du petit club junior montréalais. Un vote unanime des gouverneurs mène à cette menace d'exclusion. Québec est la seule ville attrayante pour Jacques jr Locas. Fière allure avec sa moyenne de dix milles spectateurs par rencontre et roulant à plein régime, les Remparts désirent conserver Locas dans le junior québécois. Les Remparts exercent un tel poids au sein du circuit, que leurs assistances comptent pour plus de 40% des affluences du circuit et que partout où ils passent, les affluences se font bonnes. Ils sont donc l'équipe toute désignée pour conserver Locas dans la Ligue junior du Québec. Il en va en grande partie de la survie du jeune circuit qui se bat dans un marché partagé avec une équipe qui rivalise dans le circuit Ontarien. Celui qu'on tente par tous les moyens de concurrencer à chaque printemps venu.
Les discussions se poursuivront pendant plusieurs jours entre St-Jérome, Montréal et Québec. La commande vient par paraître impossible à Paul Dumont et Maurice Fillion, qui ont des déclarations de guerre de Roger Bédard et Phil Wimmer du petit Canadien. On menace dorénavant de ne plus se souscrire au repêchage midget, ce qui aurait des effets dévastateurs pour toutes les équipes de moindre envergure du circuit junior québécois. On sait fort bien qu'à part Québec, personne dans le circuit n'a les reins assez solides pour concurrencer une équipe comme le Canadien junior, qui remplit saison après saison, les coffres du gros club au Forum.
Alors qu'il ne reste que quelques heures à la période de transactions, survient l'une des plus importante transaction de l'histoire: Jacques jr Locas est transigé aux Remparts de Québec après d'innombrables heures de discussions. D'un côté, les Remparts affichent fière mine et savent pertinemment que cette transaction refile le coup de pouce manquant pour que la ligue junior A du Québec remporte la première coupe Memorial de son histoire. De l'autre, Roger Bédard et son président Phil Wimmer fustige contre la mollesse de Jacques Locas père, qui a transigé son fils aux Remparts pour préserver la ligue dans laquelle il évolue déjà. En transigeant Locas au Canadien, les Alouettes auraient signé le coup de mort du circuit qui cherchait par tous les moyens à trouver une place de respectabilité dans le circuit canadien qui n'en avait que pour sa ligue de l'Ontario et de l'Ouest. Deux circuits qui riaient de la petite ligue junior A du Québec en alignant un nombre illégal de joueurs de vingt ans et en pigeant dans le marché du Québec via le Canadien junior. C'était l'époque où l'Ontario avait main mise sur les talents du Québec et où non seulement il était illusoire de penser les concurrencer, mais aussi d'aspirer à gagner un championnat. Les Remparts accueillaient à bras ouverts Jacques jr Locas et transigent Michel Robert, Richard Bergeron et Yves Lacroix, en plus de considérations futures que deviendront Gilles Lupien et Bill Landers une saison plus tard. En somme, les Alouettes perdaient un joueur qu'ils auraient de toute manière perdu, et préservaient un circuit que tous les hommes de hockey du Québec voulaient voir accéder aux grands honneurs. À tout le moins, prendre une place qui lui était due: la représentativité au sein des circuits junior du Canada.
Les journalistes de l'époque se lancent dans le débat public. Claude Bédard signe un article intitulé,
La porte ouverte aux abus reconnaissant le poids des Remparts de Québec au sein de la Ligue junior A, mais aussi du rôle presque obligé de ces derniers à préserver le circuit junior du Québec contre la voracité naturelle du Canadien junior. De son côté, le défunt Jacques Beauchamp exprime bien la façon de penser du temps: «En faisant l'acquisition de Locas, Maurice Fillion a pensé à l'avenir.» Non seulement à celui des Remparts, mais aussi de la Ligue junior A du Québec, qui deviendra quelques années plus tard la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Le même circuit qui rappatriera le Canadien junior et qui permettra au Québec de lutter seul contre l'Ontario et l'Ouest. Sans la transaction des Remparts, la ligue junior A n'aurait jamais réussi le tour de force et ne se serait jamais relevé d'une telle défaite. La lame à deux tranchants venait de tourner en faveur des Québécois. De la ligue junior du Québec pour les Québécois. S'en suivit de continuelles déclarations de guerres du petit Canadien qui jurait mener la vie dure aux Remparts. Qu'à cela ne tienne, les Remparts allaient remporter la première coupe Memorial de la Ligue junior A du Québec, Jacques Locas comblait en partie la douloureuse perte de Guy Lafleur, et le Canadien junior se résigna à joindre la ligue junior A du Québec quelques temps après.
Que Jacques jr Locas repose en paix. Que son nom devienne source d'inspiration lorsqu'on aborde la question des complexes sportifs des Québécois en regard de leurs rivaux canadiens. Tous les acteurs du temps auront sérieusement donné le premier coup de barre qui se devait de redonner au Québec, la place méritée à laquelle il avait droit.
Jeu 17 Aoû 2006 - 22:53
